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Fabrice MAUCCI - Démocratie Ecologie Solidarités
Fabrice MAUCCI - Démocratie Ecologie Solidarités
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13 janvier 2007

Qu'on en finisse avec les subventions aux entreprises

La montée extrême du chômage dans les années 1991-97, son retour à la hausse dans la période 2001-2005, l'inefficacité des politiques structurelles et le chantage-dumping exercé par les patrons ou leurs actionnaires dans le contexte de sous-emploi et de mondialisation, ont conduit l'Etat et les collectivités locales à subventionner massivement les entreprises. Pour "aider à la création d'emplois" parfois, plus souvent pour les maintenir seulement, et assez fréquemment aussi pour attirer une création ou orienter un déménagement déjà programmés au profit d'un territoire local... et au détriment d'un autre, en France, voire sur la même région.

Je me souviens notamment, entre 1995 et 2000, alors que ma ville d'Aix-les-Bains était endettée jusqu'au cou (plus de 1700€/hab.), des terrains industriels cédés au franc symbolique par le maire. Certaines entreprises s'y étaient installées en renonçant au dernier moment à une implantation déja annoncée à Ugine, à 80 km, dans une cité plus sinistrée, bien plus pauvre et enclavée. "Donner le terrain" alors qu'une société pouvait ensuite le valoriser à notre place - en vendant à un autre pourvoyeur d'emplois - m'avait paru tout aussi choquant, surtout que l'aménagement de la zone aixoise en question avait coûté "à la poche des contribuables" une quarantaine de millions de francs et que ces parcelles étaient à l'époque évaluées 100 F/m².

Depuis, de tels procédés ont été mis en lumière dans des cas comme HP en 2005-2006, et bien d'autres à travers l'hexagone. Dans Libération de ce 13 janvier, il est question d'une usine de quads, installée à la place des automobiles Matra à Romorantin dans le Loir-et-Cher en octobre 2005, qui après avoir touché 500000 euros d'aide et créé 56 emplois supprime déjà la moitié de son effectif. Meurt-elle, envisage-t-elle de courir après d'autres subventions en s'installant ailleurs, ou s'est-elle, en venant ici quelques mois, rempli les poches avant de délocaliser en Chine? Le maire de Romorantin penche pour la dernière option en ayant vu sur internet une production chinoise copie conforme du modèle fabriqué chez lui au ralenti...

Outre le fait que les collectivités n'ont ici (guère moins qu'ailleurs) pas mis en place (s'en donnent-elles les moyens humains) de cellule de suivi pour éviter le gaspillage ou le pillage des aides publiques, c'est l'ensemble du principe de subvention des entreprises qui est posé. Je ne parle pas des baisses de cotisations, qui sont un autre débat, mais des terrains quasi-gratuits, des exonérations de taxe professionnelle, des subventions en tant que telles. Quel est ce pays dans lequel on hurle à chaque emploi public nouveau, stable, répondant à un intérêt collectif large, et qui verse de lourdes aides sans contrôle et sans garantie de pérénnité à de "vraies" entreprises? Où est ici le souci de l'argent public que rappellent sans cesse les pourfendeurs du fonctionnariat et admirateurs de la seule initiative privée?

Je ne suggère pas là qu'il faille que la sphère publique se désintéresse ou se désengage de l'économie privée, bien au contraire. Mais soyons cohérents jusqu'au bout. Si ce que nous cherchons c'est de l'emploi en France les mesures à prendre ne sont pas de ce type ; elles sont structurelles : dispositifs européens anti-dumping, adéquation de la formation, mobilité des chômeurs, fiscalité et charges progressives à introduire pour aider les petites entreprises et non les énormes trusts, dégrèvements fiscaux et sociaux alignés (accordés ou annulés) "en temps réel" à la variation de l'effectif à temps plein... Si nous voulons orienter géographiquement ces emplois vers des régions peu dynamiques, c'est une question d'infrastructures, de péréquation inter-régionale et de solidarité nationale ; la décentralisation-compétition des territoires à coup d'aides ne fait que creuser les inégalités et aspirer la nation vers des métropoles engorgées, polluantes et polluées, urbanistiquement et socialement fracturées.

Restent des cas où évidemment, la collectivité peut ou doit agir. L'accessibilité et l'aménagement préalables des sites est bien sûr de son ressort, pour que ces derniers soient intégrés à une réflexion d'ensemble sur l'espace, et parce que les coûts engendrés correspondent à des besoins et des usages qui ne seront pas seulement ceux des entreprises locales ni même uniquement de celles d'aujourd'hui.

On peut envisager, en élargissant le principe en vigueur dans les pépinières d'entreprises, que des locaux commerciaux, des bâtiments, des véhicules ou du matériel - à condition qu'ils ne soient pas ultra-spécifiques, ce qui rend les choses plus réalisables pour des sociétés de services - soient acquis par la collectivité, qui les possède définitivement et peut en tant que propriétaire bailleur, revoir ses choix par la suite et éviter de perdre du patrimoine. C'est la location qui est symbolique, stable ou progressive dans le temps, et qui aide l'entreprise nouvelle à attendre ses premières recettes, ou celle qui s'est agrandie à garantir la réussite de l'opération en limitant la montée en puissance des frais tant que les nouveaux marchés n'ont pas été conquis.    

Viennent enfin les cas où la collectivité au sens vaste à tout à gagner à aider l'entreprise même si à un moment donné c'est l'acteur privé qui sera propriétaire des lieux. Ce peut être la prise en charge publique d'une partie du surcoût que représenterait l'obligation de créer des stationnements souterrains ou des bâtiments sur plusieurs niveaux pour économiser l'espace urbain, ou de linstallation de systèmes de récupération des eaux de pluie et de production d'énergie renouvelable. Comme tous les territoires n'auront pas ces exigences et cette lucidité au même moment, les entreprises n'ont en effet, dans ce cas précis, pas à subir outre mesure la mise en oeuvre d'actions d'intérêt général. 

F. MAUCCI

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