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Fabrice MAUCCI - Démocratie Ecologie Solidarités
Fabrice MAUCCI - Démocratie Ecologie Solidarités
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22 mars 2007

4 moratoires pour une réflexion écologique publique

En lisant le Monde avant-hier, j'ai découvert sans étonnement la colère de Nicolas Hulot, constatant que l'Ecologie n'a pas la place qu'elle mérite dans la campagne présidentielle. Comme il a raison. Son pacte écologique avait fait la "une" durant plusieurs semaines, les Français semblaient mûrs pour mettre le développement durable en tête de leurs priorités près de 35 ans après les premières alertes politiques en la matière, et puis plus rien. Nourrit-il quelques regrets de ne pas y être allé lui-même, c'est fort possible et ce serait compréhensible.

J'étais de ceux qui tout en l'approuvant sur le fond, ne lui faisaient pas une totale confiance pour représenter l'écologie politique. Ses proximités avec Chirac ou de grands groupes chimiques dont il est aussi la caution environnementale, me gênaient. J'estimais aussi qu'une élection présidentielle est l'occasion de présenter un projet de société complet, ce que font très bien les Verts même si leur analyse hors-écologie est peu entendue. Enfin, même si c'est peut-être redondant avec mon premier grief, il me paraît évident que l'écologie ne peut être que de Gauche, car elle est au départ une solidarité dans le temps long, avec les humains de demain. C'est la plus forte, la plus abstraite de toutes les solidarités, et quand on voit comme la droite ignore celle qui est à accomplir pour le présent, visiblement et urgemment, on n'imagine pas qu'elle soit en volonté d'organiser la société du développement durable, dans laquelle la préservation du monde est un coût, un de ceux qu'elle récuse. Hulot et son curseur flou n'étaient par conséquent pas une garantie d'efficacité et de cohérence.

En Janvier, j'étais donc de ceux qui souhaitaient "le beurre et l'argent du beurre", en appréciant l'intrusion de N. Hulot dans le champ politique parce qu'elle portait les thèmes écologiques sur le devant de la scène, mais qui refusaient que sa démarche aille jusqu'à détruire l'écologie politique. Néanmoins, pour tout un tas de raisons qu'il serait un peu long et prétentieux de lister, les Verts n'ont pas pour le moment profité du retrait de l'animateur-globetrotter. Dominique Voynet, que je trouve moins "saignante" que Mamère mais qui reste claire et convaincante sur beaucoup de sujets, ne décolle pas dans les sondages. Les autres candidats ne s'y sont pourtant pas substitués. José Bové est celui qui a le plus de points communs avec elle sur ces thèmes, avec un ancrage plus à Gauche. Parmi les "gros" candidats, Royal a plus à dire mais s'est déjà avancée puis rétractée ou a modifié ses propositions et ses chiffres, sur le nucléaire notamment.

Aujourd'hui, sans se jeter dans l'arène puisqu'il est trop tard, Nicolas Hulot revient sur scène pour demander trois moratoires : un sur le programme autoroutier, un sur les réacteurs EPR, et un autre sur la construction d'usines d'incinération. José Bové ajoute lui un moratoire sur les OGM, qui gagnerait à être précisé - peut-être est-il déjà précis mais la presse le résume simplement. Et bien à tout prendre j'approuve la demande de ces 4 moratoires.

D'habitude je vois là une méthode de contournement, comme l'est visiblement celui que propose Sarkozy sur le "décret Robien" qui à juste titre fâche les professeurs. Mais sur ces sujets, un moratoire laisserait le temps d'un débat véritablement public, seul capable de mettre en route une prise de conscience généralisée, et seul fondement possible à des choix incontestés pour l'avenir. Car même à objectifs écologiques sincères et comparables, voilà des questions trop complexes pour faire l'objet de caricatures ou de déchirures.

Abordons les OGM : leur inocuité n'est pas prouvée et les doutes s'amoncellent même dans le sens contraire, l'utilité des plantes ainsi "améliorées" n'est pas si évidente que cela dans la résolution du défi alimentaire et beaucoup d'autres critères méritent action avant cela (commerciaux notamment), puis la dispersion des gènes modifiés est un risque écologique majeur avec lequel nous ne pouvons pas jouer. Derrière les OGM et leurs bénéfices supposés se cachent aussi, on le sait trop bien, des tentatives de brevetage du vivant et d'emprisonnement économique de centaines de millions d'agriculteurs. La vigilance doit donc être extrême. Mais dire un NON catégorique et définitif au principe même des manipulations génétiques fermerait trop de portes à de possibles progrès, médicaux notamment. Il serait donc légitime et prudent de stopper aussi longtemps que nécessaire - un moratoire, donc - la commercialisation et l'utilisation des OGM en milieu ouvert, et de les limiter à des "biotopes fermés", des sortes de bulles écologiques du type de Biosphère II, créée au Sud-Ouest des USA au début des années 1990.

Même démarche concernant les réacteurs EPR. Des efforts maximum doivent avant tout être faits pour simultanément réduire notre consommation d'énergie et doper notre production d'énergie renouvelable locale. L'objectif sera d'abaisser notre soif de matières premières énergétiques fossiles et/ou carbonées, mais aussi de réduire notre dépendance vis à vis du nucléaire. Pour être réaliste, ce n'est qu'à l'aune des résultats obtenus sur ces plans que nous pourrons envisager ou non - et je souhaite personnellement que ce soit possible - une véritable et forcément progressive "sortie" du nucléaire. Dans mon esprit, il n'est aucunement question de relancer un programme atomique civil destiné à nous permettre de vivre longtemps "au-dessus de nos besoins" énergétiques ; mais nos centrales nucléaires vieillissant, la question du remplacement de certaines d'entre elles se posera prochainement, qu'on le veuille ou non. Le moins sera le mieux, ne serait-ce que parce que ce type d'énergie reste plombé par l'immense double menace de l'accident et des déchets radioactifs. Si sur 56 réacteurs nous devons en renouveler d'ici 20 ans 5 ou 10, quelle technologie devra-t-elle être suivie? Celle que nous maîtrisons peu ou prou, ou une "nouvelle" ? En quoi celle-ci serait-elle un progrès? Là est le coeur du débat "EPR". Les arguments sont très variés, souvent partiaux, c'est pourquoi le moratoire et l'étude "citoyenne" des options possibles doivent être décrétés.

Les usines d'incinération, elles, continuent de faire peur par leur rejets en dioxine, par l'insignifiance des suivis épidémiologiques sur les territoires proches, et par la très faible transparence sur le respect effectif des normes en vigueur. Comme en matière énergétique, il convient avant tout de prendre des mesures efficaces pour réduire les ordures non recyclées, à la source, ce qui reviendra primo à se contenter des structures existantes "re-sécurisées", et secundo d'en fermer d'autres en fonction des progrès réalisés. Le moratoire jouera ici comme un plafonnement des déchets ménagers à produire, rendu possible par une batterie d'incitations, de réalisations, de dispositifs d'éducation ou encore avec une nouvelle législation interdisant les emballages plastiques superflus.

Restent les autoroutes. Au risque de déplaire, je ne crois pas que les pollutions majeures aient pour sources ces infrastructures. Ce sont les circulations urbaines qui en sont responsables. Par ailleurs, le schéma autoroutier français est presque terminé, il "manque" peu de maillons utiles. Prenons donc d'abord le temps d'étudier les quelques cas où d'assez vastes bassins de vie demeureraient "sous-connectés" au réseau actuel, entravant les possibilités d'y développer des activités ou d'y conserver des populations travaillant plus loin. Et n'étudions que ces seuls cas. Avec cette philosophie là par exemple, le tronçon A41 Annecy-Genève qui double une autoroute existante pour raccourcir un trajet de quelques kilomètres n'aurait jamais démarré. Pour le reste des situations, le moratoire doit même devenir un arrêt, ou plutôt un transfert. Transfert modal et transfert d'échelle. Au niveau purement routier, n'investissons plus que sur les voies "très secondaires" dont l'amélioration du tracé ou du gabarit est un gisement significatif de "gain de temps de parcours" et de sécurité, un gage de raccordement aux territoires ouverts sur le monde. Cela concerne essentiellement les liaisons entre les zones rurales isolées, les bourgs proches et les villes moyennes les desservant en services courants. Pour le reste, orientons les moyens privés et l'argent public aujourd'hui consacrés aux grands travaux routiers vers les plateformes multimodales, le frêt ferroviaire, les voies d'eau à grand gabarit, comme vers les transports collectifs régionaux et locaux.

Avec ces 4 moratoires et des objectifs écologiques clairs, la France peut "finir de comprendre tout en commençant à agir".

F. MAUCCI

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