Ils sont si loin de tes valeurs, l'abbé !
Nicolas est un homme volontaire, mais sa volonté est au service de valeurs parmi les plus destructrices : le culte de l’individu, de l’argent, l’égoïsme de classe, une solidarité et des libertés minimales en partie transférées aux familles et aux « communautés culturelles », une régulation sociale figée sur le curseur de la force répressive... En fait, il travaille dans l’intérêt de quelques milliers d’individus très argentés, n’aspirant qu’à l’être davantage. Mais pour être président, il lui faut se travestir.
Il doit d’abord cacher l’inefficacité globale de la politique qu’il souhaite renforcer. La délinquance sur les personnes n’a jamais autant augmenté que depuis la disparition de la police de proximité et l’augmentation des incarcérations. Les migrants gagnant l’Angleterre sont aussi nombreux qu’avant la fermeture de Sangatte, mais désormais sans toit et errant dans Calais. La cure de libéralisme et les baisses d’impôt (dont 70% ont profité aux 10% de français les plus aisés) n’ont pas bougé d’une virgule le taux de chômage, malgré les radiations massives de l’ANPE et le papy-boom. Le pays compte 200000 allocataires RMI de plus qu’en 2002, et 12% de salariés en-dessous du SMIC.
Nicolas ment aussi, au moins par omission. Il rappellera comme son ami Jean-Louis qu’il n’y a jamais eu autant de logements neufs, et taira le fait que 80% de ceux-ci ne sont accessibles qu’aux 15% les plus riches. Il ne dira pas que son parti a voulu torpiller l’obligation de 20% de logements sociaux et qu’il a fallu un vieillard respecté pour l’en empêcher. Il éludera autant que possible les conséquences qu’aurait sur l’Etat, la protection sociale et sa toute fraîche ambition écologique, son projet de baisser encore les prélèvements d’un montant supérieur à l’impôt sur le revenu et l’ISF réunis. Enfin, puisqu’il approuve la mondialisation telle qu’elle est (« un stimulant ») et admet son cortège de délocalisations industrielles et fiscales, puisqu’il attend que nous soyons simplement « plus compétitifs » face à une main-d’oeuvre sous-payée, il se pincera en promettant une hausse conjointe de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Il dresse enfin les Français les uns contre les autres tout en faisant croire à des convergences entre élite financière et classes moyennes voire modestes. Il est insupportable quand il glorifie « la France qui travaille » comme pour mieux stigmatiser l’autre, qui chômerait par choix. Quant à ses « heures supp’ sans cotisations ni impôts », elles sont un système gagnant-gagnant... sauf pour les milliers d’emplois qu’elles supprimeront si elles sont généralisées.
Son affection pour le peuple est sélective. Il feint d’en partager les goûts pour faire croire au partage des inquiétudes. Mais sa rupture, si elle a lieu, sera tout sauf tranquille. Il en faudra alors des Don Quichotte, des DAL, des porte-parole d’acier, des politiques courageux, pour succéder à celui qui réclamait avant tout « une société qui partage et rend digne ». Des volontés, chez les forts ou les chanceux, pour se tourner vers ceux que la vie a abîmés et les mettre au cœur de leur combat. Tu sais, l’Abbé, tu manques déjà.
Par Fabrice MAUCCI
Conseiller municipal d’Aix-les-Bains